Histoire du loup en Suisse:
enjeux et rebondissements d’une saga
qui divise tout un pays
Au début du 19e siècle, le loup est déjà répandu sur l'ensemble du territoire helvétique.
Mais avec l'avènement des armes à feu, ses proies naturelles disparaissent progressivement. Il est alors contraint de s'attaquer au bétail des Hommes.
C'en est trop pour ces derniers, qui décident de systématiser sa chasse. Non sans jouer sur la mythologie négative qui entoure l'animal.
Avec sa chasse et l'extinction de ses proies naturelles, le fauve voit sa population quasiment disparaître à la fin du siècle.
Il n'est alors plus rencontré que de manière très épisodique sur le sol helvétique... jusqu'à la fin du 20e siècle, où tout recommence.
C'est en 1995 que le loup refait surface en Suisse. En Valais, dans le Val d'Entremont, un individu se fait remarquer en dévorant plusieurs moutons. Branle-bas de combat au «Vieux pays».
Puis, en 1996, un autre est pris en vidéo. Le premier en Suisse:
Les années suivantes, plusieurs autres sont signalés sur le territoire national.
En Valais, entre juillet 1995 et mai 1996, la mort de 117 moutons et de 2 chèvres est attribuée au loup. Le canton se prononce alors officiellement contre son retour, qu’il soit naturel ou contrôlé. Mais seuls des tirs au cas par cas sont autorisés en Suisse. Les agriculteurs sont excédés, certains veulent se faire justice eux-mêmes.
Les années passent et les tirs se succèdent, mais la population de loups se fait toujours plus nombreuse.
De plus, en 2009, le grand public prend conscience des enjeux de la biodiversité. Un sondage révèle que plus de 87% de la population est en faveur du retour de la bête en Suisse.
L'année suivante, c'est désormais plus d’une quinzaine de loups qui sillonne la Suisse. Depuis, chaque année, l’on dénombre environ 30% d'individus supplémentaires sur le territoire national. Les agriculteurs ne parviennent pas à protéger leur bétail du loup, qui s’en donne à cœur joie.
Voici l'évolution du nombre de loups en Suisse entre 1994 et 2021:
En 2017, sous pression, les autorités fédérales abaissent le statut du loup de «strictement protégé» à «protégé».
Deux années plus tard, les chambres du Parlement décident à nouveau d'affaiblir considérablement sa protection, en révisant la loi sur la chasse (LChP). L’animal est à présent considéré comme une «espèce régulable». Des interventions sont possibles sans l’obligation de prouver que des dommages «importants» ont été causés.
En réaction, les associations de protection de la biodiversité helvétique haussent le ton. BirdLife Suisse, Groupe Loup Suisse, Pro Natura, WWF Suisse et Zoosuisse lancent un référendum contre cette révision de loi. Résultat: plus de 100’000 signatures sont recueillies en l’espace de trois mois contre ce projet de révision.
2020
Grande victoire pour le loup. La population refuse la révision de la loi sur la chasse.
Le succès est historique pour les associations environnementales, qui parviennent à renverser le projet parlementaire. Répit pour l'animal.
2021
Au total, une quinzaine de meutes et une population d’environ 150 individus est dénombrée sur le sol suisse. On s’approche du «statut de conservation favorable» pour la bête.
2022
La population passe à 180 individus pour une vingtaine de meute. Renversement de paradigme: on mise désormais davantage sur la protection du bétail que sur la régulation du loup.
Les agriculteurs jugent les mesures de protection de leur bétail inefficaces, et exigent que le loup soit à nouveau tiré systématiquement. Les chasseurs les soutiennent. Le loup ou la vache? Il ne semble plus y avoir la place pour les deux dans le débat national.
1er novembre 2023
Sous l’impulsion d'Albert Rösti, chef du Département fédéral de l'environnement (DETEC), le Conseil fédéral adopte une révision de l’ordonnance sur la chasse (OChP). La régulation du loup ne nécessitera plus forcément une attaque au préalable, elle pourra s'effectuer de manière préventive.
L’on parle alors de plus de 70% des loups qui pourraient être tirés. En tout, près de 300 individus sont recensés en Suisse.
L’ordonnance prendra effet au 1er décembre 2023. Elle est décidée en vue de «permettre la coexistence durable de l’être humain et de ce grand prédateur».
Sources: Pronatura, Kora, Les archives de la RTS, Canal 9